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P'erouzin :
— Plus que distingu'e, mademoiselle, bien plus.
Nalorgne :
— Il a de la fortune.
P'erouzin :
— Fortune colossale.
Nalorgne :
— Vous vivrez dans une superbe villa.
P'erouzin :
— Un ch^ateau, un ch^ateau.
P'erouzin :
— Il n’a que soixante ans environ.
Ce qui fait que M lle H'el`ene ne put dissimuler une l'eg`ere moue.
— Enfin, qu’en pensez-vous ? demanda Nalorgne.
La jeune fille ne disait ni oui ni non, c’'etait l’essentiel et d'ej`a Nalorgne, homme adroit, posait les jalons pour la premi`ere entrevue des « fianc'es ».
— Vous savez, mademoiselle, le mariage est souvent une 'ecole de sacrifice. Il ne faut pas exag'erer les choses cependant. Un mari actif et remuant a son charme, mais il vaut beaucoup mieux, pour une femme comme vous, souhaiter un 'epoux aux moeurs casani`eres et qui reste chez lui, qui aime son int'erieur. Vous aurez toute satisfaction avec M. Ronier, car une l'eg`ere infirmit'e, toute passag`ere, l’emp^eche en ce moment de beaucoup circuler.
P'erouzin, ami des pr'ecisions, se h^ata d’ajouter :
— Oui, mademoiselle, M. Ronier est absolument paralys'e.
Nalorgne foudroya du regard son associ'e. M lle H'el`ene ne put s’emp^echer de sourire. Enfin la jeune fille se leva :
— Messieurs, je vous remercie, dit-elle, de l’amabilit'e avec laquelle vous vous occupez de moi, mais, je vous le r'ep`ete, je n’'etais pas venue vous trouver pour vous demander de me marier. J’esp'erais simplement que, eu 'egard `a vos relations nombreuses, vous seriez `a m^eme de m’indiquer, oh, tr`es discr`etement, o`u je pourrais retrouver une certaine personne `a laquelle je m’int'eresse.
— En effet, dit P'erouzin, nous savons que vous voulez rencontrer ce M. J'er^ome Fandor. 'Evidemment, nous nous occuperons de le rechercher pour vous ^etre agr'eable, mais nous vous conseillons aussi de bien r'efl'echir. Un mariage avec M. Ronier serait beaucoup plus avantageux.
— Mais je ne vous ai pas dit, messieurs, que je d'esirais rechercher M. Fandor pour l’'epouser.
***
Dix minutes plus tard, Nalorgne et P'erouzin arrivaient au Faisan Dor'eet demandaient `a ^etre conduits au salon retenu par M. Prosper.
Il 'etait sept heures moins le quart `a peine, et le rendez-vous avait 'et'e fix'e pour six heures et demie, mais d'ej`a l’ancien cocher, sans la moindre consid'eration pour ses invit'es, s’'etait attabl'e et avait vid'e les raviers de hors-d’oeuvre.
En face de lui, Irma de Steinkerque, elle aussi, faisait honneur `a ce commencement de repas.
— Vous savez, s’'ecria Prosper, en voyant arriver ses amis, l’heure c’est l’heure, n’est-ce pas ? C’est mon patron qui m’a appris cela quand j’'etais en place, eh bien, c’est une bonne habitude que je conserve, de m^eme que celle de d^iner t^ot dans les restaurants `a la mode, vous comprenez pourquoi ?
— Ma foi, pas particuli`erement, d'eclara P'erouzin qui, machinalement, lustrait son chapeau haut de forme de la manche.
— Quand on s’am`ene de bonne heure, on est certain d’avoir tous les bons morceaux. Maintenant que vous avez compris, `a table, et ne perdons pas de temps, car le d^iner peut faire attendre les d^ineurs, mais les d^ineurs ne doivent pas se permettre de retarder le d^iner.
***
`A huit heures du soir, Nalorgne et P'erouzin, 'echauff'es par les vins capiteux que g'en'ereusement Prosper leur avait pay'es, quittaient le restaurant du Faisan Dor'eet s’acheminaient vers le boulevard.
De nouveau, l’heure les talonnait. P'erouzin, pour activer sa digestion p'enible et diminuer la congestion qui lui montait aux tempes, aurait volontiers fait un bon kilom`etre `a pied, mais Nalorgne, exsangue et blafard, ne souffrait pas d’un semblable exc`es de sant'e et, tout au contraire, l’esprit tr`es net, il disait `a son compagnon :
— Prenons une voiture pour nous faire conduire l`a-bas.
P'erouzin allait faire signe `a un taxi-auto, mais Nalorgne l’en emp^echa :
— Inutile, dit l’ancien pr^etre, de prendre un v'ehicule aussi cher, un fiacre ordinaire suffira bien. Il ne nous faudra pas plus d’une demi-heure pour aller d’ici `a la barri`ere de Montrouge.
Les deux associ'es firent donc signe `a une voiture `a cheval et donn`erent l’adresse, ce qui d'etermina une sourde col`ere chez le cocher, peu satisfait `a l’id'ee de s’en aller `a cette heure d'ej`a tardive `a l’autre bout de Paris.
La d'ecision prise par Nalorgne, si elle ne contentait qu’`a moiti'e P'erouzin, satisfaisait en tout cas un troisi`eme personnage que les deux associ'es n’avaient point remarqu'e, bien que cet individu les e^ut imm'ediatement suivis depuis leur sortie du restaurant. Dans la foule des promeneurs qui allaient et venaient sur le boulevard, ce personnage pouvait passer inapercu. C’'etait un jeune homme d’une trentaine d’ann'ees, dont la mise correcte, mais modeste, n’attirait pas l’attention. Comme il tenait `a la main une bicyclette, il 'etait oblig'e, perp'etuellement, de demeurer `a l’extr'emit'e du trottoir pour que sa machine p^ut rester sur la chauss'ee.