Шрифт:
Ils causaient encore quand Herv'e Martel apparut, habill'e cette fois :
— Alors, messieurs, nous nous livrons `a la m^eme com'edie que chaque matin ? Quelles paroles ridicules dois-je prononcer ?
L'eon sourit. Michel protesta :
— Croyez bien, monsieur Martel, que ce ne sont pas des paroles si ridicules que ca. D’ailleurs, mon coll`egue et moi, nous sommes maintenant persuad'es que d’ici quelques heures, nous vous expliquerons tout ce qui peut vous intriguer.
— J’en accepte l’augure. Que dois-je dire ?
— Exactement la m^eme chose qu’hier.
Herv'e Martel, l’air r'esign'e, pr'ec'eda les deux inspecteurs dans son cabinet de travail. Il alla s’asseoir `a son bureau. Il parla, feignant de s’adresser `a sa dactylographe, M lle H'el`ene absente d’ailleurs.
— Bonjour, mademoiselle. Oui, je vais bien. Ah, nous ne travaillerons pas ce matin. Je vais tout bonnement vous donner des exp'editions `a faire. Faites-y bien attention, par exemple. Je ne tiens pas `a perdre encore de l’argent. Depuis quelque temps, j’ai vraiment trop de malheur.
Herv'e Martel s’interrompit, haussa les 'epaules, et regarda dans les yeux L'eon, qui, tr`es calme, montre en main, chronom'etrait la dur'ee.
L'eon fit un signe. Le courtier recommencait :
— Vous affranchirez ces lettres, mademoiselle. Les voil`a sign'ees. Bien. Autre chose, maintenant. Je vais vous donner dix billets de mille francs que vous porterez cet apr`es-midi, au bureau, place de la Bourse. Attendez une seconde.
Gardant toujours un air r'esign'e, un air de contrainte, Herv'e Martel tirait de sa poche son trousseau de clefs, ouvrait, `a grands fracas, le tiroir-caisse de son bureau et il y prenait, li'es ensemble par une 'epingle, dix morceaux de papier blanc de la grandeur et de l’'epaisseur d’un billet de banque :
— Voici ces dix billets de mille, mademoiselle, je les pose sur l’'etag`ere, vous les prendrez tout `a l’heure. Venez s’il vous pla^it au salon avec moi, je vais vous montrer les gravures qu’il faudra remettre `a l’encadreur car je vais sortir et vous resterez seule ici.
Herv'e Martel se leva, sortit encore une fois du cabinet de travail, L'eon et Michel le rejoignirent dans la galerie.
— Vous ^etes satisfaits, messieurs ? Vous n’avez plus besoin de moi ? J’ai bien fait le pitre. Oui ? Alors tout est pour le mieux. Et maintenant bonne chance. Je souhaite que les dix billets de mille francs vous mettent sur la piste. Mais je vous avoue que j’en doute. J’ai comme une id'ee que c’est un homme intelligent, et que votre pi`ege est un peu grossier.
Herv'e Martel, apr`es un petit salut, abandonna les deux inspecteurs, prit son chapeau et sortit.
Depuis qu’ils enqu^etaient au sujet des vols incompr'ehensibles, L'eon et Michel contraignaient Herv'e Martel chaque matin, `a jouer la m^eme com'edie. Instruit par eux, Herv'e Martel prononcait des phrases caract'eristiques :
— Mademoiselle, voici dix mille francs que je mets sur cette table.
— Mademoiselle, vous exp'edierez ces titres de rente, que je pose sur la chemin'ee `a l’adresse de mon agent de change.
— Mademoiselle, vous ferez bien attention `a ce contrat d’assurance. Il y a un proc`es d’engag'e et on en donnerait bien cinquante mille francs. Je le laisse sur mon bureau…
Puis, Herv'e Martel sortait du cabinet de travail, o`u restaient seuls les deux inspecteurs.
L'eon et Michel s’efforcaient en effet d’inciter le voleur invisible `a recommencer devant eux la manoeuvre qui lui avait permis de r'eussir auparavant.
L'eon et Michel se rendaient bien compte qu’il 'etait impossible que titres ou billets eussent disparu tout seuls. Esprits rassis, d’autre part, ils ne voulaient pas admettre une explication spirite, l’hypoth`ese d’une maison hant'ee, et par cons'equent, ils 'etaient amen'es `a imaginer l’intervention d’un homme, celui `a qui ils offraient un app^at aujourd’hui. Mais rien n’avait mordu encore.
— Michel ?
— Quoi donc mon vieux ?
— Ca ronfle de plus en plus fort.
— Ah bougre de nom d’un chien, c’est curieux tout de m^eme.
***
`A onze heures, les deux inspecteurs 'etaient encore dans le cabinet de travail et rien ne s’'etait pass'e.
— L'eon ?
— Michel ?
— Avez-vous senti ?
— Non. Rien du tout.
— Peut-^etre que je me suis tromp'e ?
— Vous avez remarqu'e quoi ?
— Un peu de vent.
— C’est curieux.
Or, soudain, L'eon 'etendit le bras, et Michel en suivant la direction de son index point'e, parut soudain au comble de la surprise.
Ce que voyaient les deux inspecteurs 'etait cependant peu de chose, mais ce peu de chose… Au centre m^eme de la pi`ece, pr`es du bureau d’Herv'e Martel, se trouvait un f'etu de paille, probablement tomb'e de quelque balai, de quelque plumeau. Ce f'etu de paille s’'etait redress'e, comme si une force myst'erieuse lui avait pr^et'e la vie. Le f'etu de paille roulait sur lui-m^eme, allait, venait. `A un moment donn'e, il parut s’'elever en l’air, et comme emport'e par un tourbillon, puis il retomba, resta immobile tout `a coup.