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Bouzille ayant fini ses rangements, d'eployait un journal et 'enoncait les titres `a Fandor.
— Passe la politique, grogna le journaliste, elle me rase et je n’y comprends rien ! Arrive aux derni`eres nouvelles…
Et, tout d’un coup, Bouzille poussait un cri de stup'efaction.
— Ah ! par exemple ! monsieur Fandor…
— Quoi ? Qu’y a-t-il ?
— Eh bien, c’est des nouvelles de Juve…
Fandor alors, sans souci du danger qu’il courait de se faire surprendre, bondissait `a bas du petit chariot sur lequel il s’'etait d'ej`a install'e, et o`u il pouvait passer pour mort `a la moindre alerte.
Il arrachait la feuille des mains du chemineau, il lut avec des yeux stup'efaits cette information :
Un employ'e de commerce, M. Robert, de passage `a Grenoble, s’'etant amus'e `a faire l’ascension du Casque-de-N'eron, a d'ecouvert au sommet de la montagne le cadavre d’un homme qu’il connaissait parfaitement et que, d’ailleurs, les gens de Grenoble n’ont pas tard'e `a identifier.
Il s’agit de la d'epouille mortelle d’un jeune policier amateur, en r'ealit'e clerc de notaire, M. Daniel, qui, chose extraordinaire, a 'et'e assassin'e, il y a quelques semaines, dans le train venant d’Amsterdam `a Bruxelles, et que le policier Juve avait fait transporter `a la morgue de Paris o`u on le croyait encore. La ville est boulevers'ee, on se perd en conjectures sur cet 'etrange 'ev'enement.
— Je comprends, articula Bouzille, apr`es que Fandor lui e^ut lu `a haute voix cette d'ep^eche, ce qui s’est pass'e. Car vous savez, m’sieur Fandor, que le nomm'e Robert n’est autre que M. Juve ? Il a donc d^u supposer qu’on avait port'e le cadavre de Daniel l`a-haut sur la montagne, et que ce devait ^etre un coup de Fant^omas. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’il a t'el'egraphi'e hier, pour s’assurer que le mort n’'etait plus ici…
Bouzille 'eclatait de rire.
— Eh bien, par exemple, M. Juve a d^u ^etre bougrement 'epat'e, lorsque le directeur lui a t'el'egraphi'e que le cadavre 'etait toujours l`a !…
Fandor, cependant, 'etait devenu tr`es perplexe.
— Sapristi, songeait-il, cette histoire-l`a est capable de tout faire d'ecouvrir. Pour peu que le directeur lise cette d'ep^eche, il va venir s’assurer par lui-m^eme que son cadavre est toujours l`a… il va me voir, me regarder de pr`es… Diable, diable ! Que faire ?
Et Fandor envisageait nettement l’id'ee de s’en aller afin de donner raison `a Juve, lorsque la voix du directeur retentit `a nouveau `a l’extr'emit'e du couloir, rageuse et courrouc'ee cette fois.
— Eh bien, Bouzille, grognait-il, qu’est-ce que vous attendez pour ouvrir l’'etablissement au public et pour placer les d'efunts dans le frigorifique ? Il est d'ej`a sept heures dix et on me signale que la foule s’impatiente !
— On y va, patron, on y va ! cria Bouzille.
Fandor, qui, d’un geste instinctif, s’'etait 'elanc'e `a nouveau sur le petit chariot, 'etait pouss'e par Bouzille dans le frigorifique.
Les portes permettant au public d’entrer `a la morgue et de regarder `a travers une glace sans tain les cadavres expos'es, 'etaient alors ouvertes, et quelques vagues oisifs p'en'etraient dans le sinistre local.
D`es lors, Fandor se rendait compte qu’il devait rester l`a jusqu’`a cinq heures du soir.
Le journaliste, cependant, r'efl'echissait `a la situation, et au bout d’un quart d’heure, sa d'ecision 'etait prise.
— C’est la derni`ere apr`es-midi que je passe ici, d'eclarait-il. Trop heureux si je peux la terminer sans encombre et si je ne suis point d'ecouvert, avant la fin de la journ'ee ! Car enfin, il suffit que cette d'ep^eche tombe sous les yeux du directeur de la morgue, pour que je m’attire une assez vilaine histoire… Bast, concluait Fandor, j’ai toujours eu de la chance, je m’en tirerai bien encore une fois !
Et puis, le journaliste, en d'ecidant qu’il ne resterait pas `a la morgue plus longtemps, avait une autre id'ee.
On 'etait `a trois jours du vingt-sept du mois, or c’'etait le vingt-sept au soir que Fandor devait partir pour Lisbonne, afin d’y prendre le transatlantique qui devait le conduire au Chili et qui, d’apr`es les indications de la navigation devait arriver en Am'erique du Sud avant le grand voilier `a bord duquel le journaliste savait que se trouvait H'el`ene.
Et Fandor, dans son frigorifique, calculait qu’il aurait encore le temps avant de se rendre `a Lisbonne, d’aller rejoindre Juve `a Grenoble et de se renseigner aupr`es du policier sur ce qui se passait `a propos de Daniel.