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Bouzille, qui allait et venait dans la pi`ece, la quittait `a un moment donn'e. Toutefois, il demeurait tout `a c^ot'e et, par un judas, voyait sans ^etre vu ce qui se passait.
Tout d’abord, il ne survenait rien d’anormal `a l’int'erieur du frigorifique ; il y avait l`a les trois cadavres, y compris Fandor, puis l’ouvrier.
Mais, `a un moment donn'e, s’imaginant sans doute qu’on ne le remarquait point, le r'eparateur, quittant le fond de la salle, se rapprocha des chariots sur lesquels 'etaient 'etendus les morts.
Et, `a ce moment, Bouzille poussa une exclamation d’affolement, de terreur, de surprise 'egalement.
L’homme s’'etait approch'e de telle sorte que Fandor, sans bouger, pouvait l’apercevoir.
Or, `a ce moment pr'ecis, le journaliste brusquement s’'etait dress'e sur son chariot.
Il rejetait en arri`ere les couvertures qui l’enveloppaient, se dressait, v^etu seulement d’une chemise et d’un calecon, et il braquait son revolver dans la direction de l’ouvrier.
`A la vue de ce spectacle extraordinaire, les quelques gens qui se trouvaient de l’autre c^ot'e de la glace sans tain poussaient des cris d’'epouvante, et s’enfuirent en d'esordre.
Une sc`ene, dramatique au possible, en effet, se jouait d'esormais `a l’int'erieur du frigorifique !
Fandor, comme s’il avait 'et'e pris soudain d’une folie furieuse, venait de d'echarger son revolver dans la direction de l’ouvrier. Mais celui-ci s’'etait accroupi derri`ere le chariot de l’homme-tronc en poussant un rauque rugissement, et `a son tour il ajustait Fandor… il tira deux fois…
Le journaliste s’en doutait 'evidemment, car, plus vif que la pens'ee il avait saut'e `a bas de son chariot et se dissimulait derri`ere ce rempart improvis'e.
Toutefois, un grand vacarme retentissait alors, et une bouff'ee d’air ti`ede p'en'etrait dans le frigorifique, cependant que des 'eclats de verre jaillissaient de tous c^ot'es.
Au cours de leur fusillade, les deux hommes avaient bris'e la grande glace sans tain qui s'eparait la salle des morts du couloir r'eserv'e au public. Un trou b'eant s’ouvrait dans cette glace, et l’ouvrier, avec une l'eg`eret'e insoupconnable, bondissait par ce trou et s’enfuyait `a toute allure.
En d'epit de l’extraordinaire costume dans lequel il se trouvait, Fandor cependant se pr'ecipitait `a sa suite, tandis que Bouzille, accouru dans le frigorifique, s’efforc^at 'egalement de passer par l’ouverture pratiqu'ee `a travers la glace dans le couloir du public.
— Fant^omas !… Fant^omas !
Ce nom sinistre avait 'et'e prononc'e, ce mot terrible avait retenti et c’'etait Fandor qui l’avait articul'e ! Bouzille ne pouvait pas avoir de doute, et ses appr'ehensions de l’instant pr'ec'edent 'etaient, en somme, justifi'ees.
Fandor s’'elancait `a la poursuite de l’ouvrier, et l’ouvrier n’'etait autre que Fant^omas !
Que s’'etait-il donc pass'e ?
La veille au soir, `a Grenoble, tandis que Juve, apr`es mille difficult'es, ramenait le corps de Daniel arrach'e au glacier, un homme s’'etait trouv'e dans la foule des curieux, un homme qui avait eu connaissance de ce qui venait de se passer.
Cet homme n’'etait autre que Fant^omas, et il n’avait pu retenir un juron de d'epit en apprenant que le cadavre de Daniel 'etait d'ecouvert.
— Vraiment, avait grogn'e le bandit, ce n’'etait pas la peine de l’emporter si haut, pour que Juve aille le reprendre !
— Mais alors, avait pens'e Fant^omas, quel peut bien ^etre l’homme que l’on exhibe `a la morgue et qui passe actuellement pour le cadavre de Daniel ?
Fant^omas, en r'ealit'e, s’'etait fait le m^eme raisonnement que Juve, et il s’'etait dit :
— Le corps expos'e `a la morgue est un corps vivant… Le cadavre, c’est Fandor, aussi bien portant que le Pont-Neuf…
Fant^omas s’imaginait qu’il y avait l`a une supercherie faite de connivence avec Juve, et, tout vibrant de col`ere, le bandit 'etait aussit^ot parti par le premier train pour Paris.
Il d'ebarquait `a la gare de Lyon `a la premi`ere heure, et, d`es lors, voulant `a toute force s’introduire dans le frigorifique, il imaginait, avec beaucoup d’audace, de se faire passer pour un ouvrier charg'e de r'eparer l’installation de l’appareil `a entretenir le froid.
Certes, Fant^omas avait tout d’abord 'et'e fort troubl'e de reconna^itre Bouzille en gardien de la morgue.
Mais cette rencontre l’avait fortifi'e dans sa conviction qu’il n’allait pas tarder `a d'ecouvrir Fandor.
Et le bandit, en effet, avait reconnu le journaliste d`es qu’il voyait les trois corps 'etendus sur leur chariot respectif face au public.
Mais si Fant^omas avait reconnu Fandor, ce qui n’'etait pas bien difficile, le journaliste, au premier coup d’oeil, d'emasquait le bandit et, d`es lors, les deux adversaires commencaient `a coups de revolver un duel terrible et sans merci que Fant^omas interrompait h^ativement, en prenant la fuite.