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La solution, d`es lors, s’imposait.
La nuit 'etait presque venue. Juve remontait `a grands pas, dans la direction du village.
— Dois-je sauter `a la gorge de Fant^omas, maintenant ? se disait-il. Faut-il attendre qu’il ait mis son projet `a ex'ecution, afin de le prendre la main dans le sac ? Non, non, agissons tout de suite, cela vaudra mieux !
Et d`es lors, serrant nerveusement la crosse de son revolver dans la paume de sa main il se rapprocha de la maison dans laquelle sans doute un drame n’allait pas tarder `a se produire.
Juve 'etait `a peine `a deux cents m`etres de la demeure occup'ee pour celle qui passait dans tout le pays pour ^etre simplement M me Verdon, qu’il poussait un cri de rage.
— Ah, mal'ediction ! fit-il.
La voiture attel'ee de deux chevaux dont les colliers 'etaient orn'es de grelots qui tintaient au fr'emissement des b^etes, venait de quitter le perron de la maison, emmenant avec elle un voyageur, Fant^omas…
— C’est dr^ole, il n’y a personne. Il est vrai qu’il est d'ej`a fort tard, cependant les usages ne veulent point qu’on laisse une 'etude de notaire ainsi abandonn'ee de tout le monde. Quel d'esordre ! Des dossiers dans tous les coins, sur les tables, les chaises… Enfin, j’esp`ere qu’il n’en est pas de m^eme dans le bureau du patron !… Cette porte rembourr'ee y acc`ede sans doute ! 'Ecartons-la… Oui, voici la porte v'eritable… Frappons au panneau de bois…
» Toc, toc, personne ne r'epond ? Essayons d’ouvrir ! Rien n’est plus simple !… Ah, ca ! C’est comme dans un moulin ici !…
» Me voil`a bien dans le bureau du patron. Morbleu ! le cabinet de M e Gauvin, pour ^etre moins fr'equent'e qu’une place publique, est tout aussi facilement accessible…
L’homme qui monologuait ainsi s’arr^eta au milieu de la pi`ece, croisa les bras, regarda tout autour de lui.
Cet homme-l`a, c’'etait Juve.
Que venait donc faire le policier dans l’'etude du notaire qu’il avait nomm'e, dans l’'etude de Gauvin ?
La chose 'etait facile `a comprendre.
Sit^ot qu’il avait vu s’enfuir Fant^omas, Juve s’'etait dit que le bandit, sachant d'esormais o`u se trouvait la fortune de M me Rambert, ne manquerait pas de venir la chercher dans le plus bref d'elai possible.
Or, cette fortune 'etait d'epos'ee chez le notaire Gauvin, c’'etait l`a qu’assur'ement allait venir Fant^omas, et Juve achevant son raisonnement avait conclu :
— C’est chez Gauvin que je l’attendrai et que nous nous retrouverons !
Il 'etait environ cinq heures du soir, lorsque le policier prenait cette d'ecision `a l’entr'ee du village de Dom`ene ; `a six heures trente-cinq il p'en'etrait dans l’'etude de Gauvin.
`A la grande surprise de Juve, les bureaux qui 'etaient vides semblaient abandonn'es. On avait l’impression que quelque chose de subit et d’anormal s’'etait produit qui avait d'etermin'e le d'epart des clercs, m^eme celui du patron.
Certes, Juve, pour parvenir jusqu’`a l’'etude, n’avait pas cherch'e `a se faire remarquer, bien au contraire. En fait, il n’'etait pas entr'e par la porte donnant sur la rue, qui peut-^etre 'etait ferm'ee, vraisemblablement m^eme l’'etait : il avait p'en'etr'e par une fen^etre du rez-de-chauss'ee donnant sur un jardinet.
— Apr`es tout, se dit Juve qui tenait `a se rassurer, les gens sont honn^etes `a Grenoble, et peut-^etre les employ'es ont-ils quitt'e l’'etude simplement parce que c’'etait pour eux l’heure de s’en aller, et sans 'eprouver le d'esir, la n'ecessit'e de ranger un peu plus soigneusement leurs papiers.
Mais tout `a coup, Juve bl^emit.
— Mon Dieu, songea-t-il, pourvu que Fant^omas ne m’ait point pr'ec'ed'e et que ce d'esordre ne soit pas le r'esultat du passage du bandit !
Cette id'ee 'etait `a peine esquiss'ee dans le cerveau de Juve, qu’elle y germait ais'ement, se d'eveloppait.
Le policier grincait des dents ;
— Mais oui, parbleu ! C’est 'evident ! Fant^omas est d'ej`a venu… Fant^omas, de gr'e ou de force, a contraint Gauvin `a lui livrer l’enveloppe cachet'ee contenant la fortune de M me Rambert… Les clercs se sont enfuis 'epouvant'es.
Et Juve, avec une stup'efaction croissante, un d'esespoir sans cesse augmentant, consid'erait, les yeux arrondis, terrifi'es, le cabinet de M e Gauvin dans lequel r'egnait en effet un extr^eme d'esordre.
Les placards 'etaient ouverts ; des dossiers s’'echappaient d’une armoire mal ferm'ee ; les tiroirs du bureau ministre occupant le milieu de la pi`ece 'etaient entreb^aill'es, et il y avait enfin, dans un angle du cabinet, une immense malle qui semblait l`a attendre qu’on vienne la remplir de papiers ou de v^etements, en pr'evision d’un long voyage.