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Le policier, cependant, se d'egourdissait les jambes, les bras, il regarda autour de lui.
Puis, brusquement, il interrogea Fandor :
— Comment es-tu ici ?
— Moi, Juve, c’est simple ! C’est Gauvin qui m’a amen'e.
— Gauvin ! hurla Juve. O`u est-il, ce mis'erable ?
Et, avant que Fandor ait eu le temps de comprendre, le policier se pr'ecipitait vers l’entr'ee du cabinet de travail. Fandor le suivit quelques instants apr`es.
Par deux fois, Fandor appela :
— Gauvin ! Gauvin !
Mais nul ne r'epondait.
— C’est curieux, se demandait Fandor, o`u donc est-il pass'e ? Je sais bien qu’il est plus poltron qu’une poule mouill'ee, mais enfin, il a d^u nous entendre et comprendre que c’est vous qui 'etiez l`a. Rien que votre nom, Juve, devait le rassurer.
Le policier secouait la t^ete ironiquement.
— Tu te trompes, Fandor ; c’est mon nom qui l’a fait fuir.
— Ah bah ! fit le journaliste, pourquoi ?
— Parce que, articula Juve, Gauvin, tout b^ete qu’il est, a compris que, sit^ot que je serais sorti de cette malle, mon premier mouvement consisterait `a lui mettre la main au collet !
Le journaliste consid'erait le policier d’un air hagard.
— Je ne vous comprends pas, Juve ?
— Cela ne m’'etonne pas, r'epondit le policier ; pour comprendre les gens, il faut savoir ce dont il s’agit… Tu arrives en retard au d'enouement d’une pi`ece dont tu n’as pas vu les premiers actes, ce serait vraiment trop beau si tu y pigeais quelque chose. Mais, ne t’inqui`ete pas, je m’en vais te raconter l’affaire en quelques mots.
Fandor tr'epignait d’impatience.
— Parlez, Juve, parlez !
— Nous ne sommes pas press'es, d'eclara le policier. Ne t’'etonne pas de ne pas me voir m’'elancer `a la poursuite de cette petite fripouille de notaire, c’est un bandit de minuscule envergure, que nous aurons quand nous voudrons… Et, au surplus, nous sommes beaucoup mieux ici, o`u je percois encore l’espoir de recevoir la visite de quelqu’un qui s’int'eresse `a nous, autant que nous nous int'eressons `a lui… Tu devines, gros malin de Fandor, que je veux parler de Fant^omas !
Juve avait l’air de plus en plus 'enigmatique, Fandor s’exasp'era :
— Parlez, Juve, parlez ! grogna-t-il en serrant les poings.
Mais le policier se faisait un malin plaisir d’'enerver Fandor.
— J’ai beaucoup de choses `a te dire, et quelques-unes `a te cacher. Il faut que je r'efl'echisse, Fandor ! Donne-moi une cigarette…
Le journaliste se r'esignait.
— Dieu, que vous ^etes insupportable, Juve ! commenca-t-il.
Il esp'erait que le policier allait enfin prendre la parole, mais au pr'ealable, Juve d'esigna l’ampoule 'electrique qui 'eclairait le cabinet du notaire.
— Va donc 'eteindre, Fandor ; l’obscurit'e est propice, n'ecessaire m^eme, aux propos que je vais te tenir, et, au surplus si jamais Fant^omas vient ici, nous serons mieux pour le recevoir dans l’obscurit'e…
Deux heures passaient pendant lesquelles Juve et Fandor s’entretenaient longuement.
Tout d’abord, le policier avait oblig'e le journaliste `a lui faire le r'ecit des extraordinaires aventures dont il avait 'et'e le h'eros `a la morgue, puis ensuite la victime.
Juve alors avait commenc'e `a expliquer `a Fandor l’encha^inement compliqu'e des circonstances qui lui avaient fait d'ecouvrir le cadavre de Daniel, puis la derni`ere supercherie de Fant^omas tentant de s’emparer de la fortune de M me Verdon, fortune d'esormais en s'ecurit'e dans la poche m^eme de Juve.
Un point cependant demeurait obscur dans le r'ecit de Juve. 'Etait-ce `a dessein qu’il l’avait laiss'e dans l’obscurit'e ?
Fandor le lui demanda :
— Cette M me Verdon, interrogeait le journaliste, qui me semble ^etre une si grande et si noble figure, quel est son nom, sa v'eritable personnalit'e ?
La lune se levait `a ce moment. Ses rayons argent'es p'en'etr`erent dans l’int'erieur du cabinet par les interstices des persiennes closes de la fen^etre.
Fandor alors pu consid'erer le visage de Juve et s’apercut qu’il 'etait tr`es troubl'e, qu’il exprimait une 'emotion intense, et que, malgr'e ses efforts pour lutter contre cette 'emotion, les yeux de Juve se remplissaient de larmes.
— Qu’avez-vous donc ? demanda le journaliste.
Pour toute r'eponse, Juve se leva, et s’approchant de Fandor il l’attira sur sa poitrine, le serra longuement sur son coeur.