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Bouzille d'ej`a d'ebouchait les flacons, et reniflait avec des grimaces de d'eception leur parfum pharmaceutique.
— C’est du doux, d'eclarait-il, c’est du doux, y a rien de regipant l`a-dedans !…
L’excellent Bouzille e^ut 'evidemment pr'ef'er'e une m'edication un peu plus alcoolique.
Il n’y avait pourtant pas `a discuter, et force 'etait bien `a Fandor d’accepter que la garde-barri`ere lui pr'epar^at imm'ediatement une premi`ere potion. Bouzille, d’ailleurs, enchant'e du r^ole qu’il jouait, appuyait, lui aussi, la proposition :
— Bien s^ur, faisait-il, faut s’soigner, m’sieur Fandor… Tenez, justement, moi aussi, j’ai un peu la fi`evre, et beaucoup d’app'etit, mais ca ne fait rien, j’m’en vais aussi en prendre, de vot’potion, rapport `a c’qu’elle est sucr'ee et qu’ca vous donnera du courage !…
Bouzille aurait imm'ediatement bu toute la bouteille par d'evouement si, tr`es fier de son r^ole, il n’avait tenu `a multiplier les marques de d'ef'erence `a l’endroit du garcon pharmacien.
Bouzille faisait des gr^aces comiques :
— Ne vous donnez donc pas la peine, faisait-il. Passez le premier, tenez, j’vas vous conduire `a votre bicyclette !
Bouzille quittait Fandor, sortait, restait cinq minutes absent, et Fandor allait justement boire sa potion lorsque le chemineau faisait irruption dans la salle, levant les bras, hurlant, sur un ton de d'esespoir :
— Arr^etez, m’sieur Fandor, arr^etez !…
L’attitude de Bouzille 'etait si extraordinaire que Fandor, en effet, suspendit son geste.
— Qu’est-ce qui te prend, Bouzille ? demanda-t-il.
Bouzille, qui 'etait tr`es p^ale, expliqua tout d’une haleine :
— Ce qui m’prend, faisait-il, ah bien, c’est pas ordinaire ! Y m’prend que sans moi vous alliez passer de la r'eserve dans la territoriale… Autrement dit, que vous descendiez au sous-sol, que vous claquiez, quoi, ni plus ni moins !… Ah ! cochonnerie de bon sort… quand je pense qu’apr`es tout, moi aussi, j’allais trinquer avec vous…
Et comme, devant l’'enervement de Bouzille, Fandor, impatient'e, allait boire, le chemineau se pr'ecipitait en avant :
— Mais l^achez donc vot’verre, faisait-il, c’est de la poison !
La r'ev'elation 'etait pour le moins inattendue, J'er^ome Fandor sursauta :
— Du poison ! disait-il, tu es fou ?
Mais cette supposition mettait Bouzille hors de lui :
— C’est cela, ripostait-il, prenant un air tragique et offens'e. C’est cela… insultez-moi maintenant… Mettez-moi plus bas que tout ! Ah ! la voil`a bien la reconnaissance : je vous emp^eche de tr'epasser, et vous d'eclarez que je suis saoul ! Traitez-moi d’ivrogne, pendant que vous y ^etes !…
Bouzille se formalisait, se vexait ; il fallait assur'ement aviser, sous peine de ne point obtenir de renseignement. Fandor posa son verre et questionna :
— Voyons, mon bon vieux Bouzille, dites-moi plut^ot ce qui arrive. Qu’est-ce que tu as apr`es cette potion ?
Bouzille, d'ej`a se rass'er'enait. Il montrait la bouteille du doigt, il ripostait :
— Ce que j’ai, m’sieur Fandor, eh bien, c’est que ce jus-l`a, para^it que c’est Fant^omas qui vous l’envoie, et c’est de la poison… Tenez, vous avez cru que c’'etait le garcon pharmacien qu’'etait l`a, moi aussi… Ah bien zut, alors ! c’est un copain `a Fant^omas, un poteau que j’n’avais m^eme pas reconnu, tant il 'etait grim'e, c’est Gueule-de-Bois, et Gueule-de-Bois m’a dit comme ca :
— Bouzille, bois donc pas dans l’verre `a Fandor, rapport `a c’que c’est Fant^omas qu’a fabriqu'e les drogues, et qu’il para^it que l’pante va tr`es proprement en claquer.
Bouzille ajoutait :
— Tout de m^eme, apr`es ca, j’suppose que vous m’la ferez avoir, ma m'edaille de sauveteur, puisque j’ai pas pu avoir celle de sauv'e lorsque je trafiquais `a la p^eche miraculeuse ?
Bouzille allait parler encore, lorsque, brusquement, d’un geste, Fandor lui imposait silence :
— Tais-toi ! 'ecoute. Ah ! nom de Dieu !…
Fandor jurait, se levant d’un brusque mouvement, ne sentant m^eme point la douleur que lui causait sa cheville enfl'ee, se tra^inant jusqu’`a la fen^etre.
D’un rapide coup d’oeil, Fandor regardait, de l’autre c^ot'e de la voie du chemin de fer, la route poussi'ereuse o`u devait se trouver l’automobile renvers'ee.
Mais quel 'etait donc le nouvel incident qui tirait ainsi Fandor de son apathie et le bouleversait ?