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Il 'ecartait Bouzille ; l’aiguilleur inventait un pr'etexte quelconque pour l’exp'edier chercher un disque en plein champ. Cela, peut-^etre, e^ut r'eussi avec un v'eritable fou, mais ne pouvait 'evidemment convaincre Bouzille. Le chemineau, loin d’'ecouter son interlocuteur, se contentait donc de hausser les 'epaules.
— Non, r'epondait-il `a son tour. Faut pas m’la faire, mon vieux. Tr`es peu pour moi des petites blagues… Et pis, d’abord, ca presse. Faut l’arr^eter, l’train !
L’aiguilleur, `a cet instant, commencait `a s’'enerver. Il avait assez de travail pour ne pas perdre son temps, aussi marchait-il vers Bouzille, froncant les sourcils et devenant menacant :
— Ah ! faisait-il, ca ne prend pas ? Eh bien, ca va prendre tout de m^eme. Allons, foutez-moi le camp, mon bonhomme… D'ebinez-vous. Moi, j’ai mon turbin `a faire, je n’suis pas l`a pour ri…
L’aiguilleur n’acheva pas, car il arrivait une chose inattendue, une chose 'enorme, colossale, et qui prouvait `a quel point Bouzille tenait `a donner satisfaction `a l’excellent J'er^ome Fandor.
Bouzille, brusquement, en effet, s’'etait rappel'e les excellentes lecons qu’il avait recues `a maintes reprises dans la p`egre o`u l’on avait souvent voulu le convaincre qu’il n’'etait pas inutile de savoir donner un bon coup de poing dans le ventre, voire un excellent coup de t^ete.
Et Bouzille, brusquement, se r'ev'elait ma^itre en l’art d’assommer son prochain.
Comprenant, en effet, que l’aiguilleur allait proprement l’'ecarter, Bouzille prenait rapidement le parti que lui imposaient les circonstances. Il se jetait sur l’aiguilleur, il lui portait avec la t^ete un coup si violent `a l’estomac que le malheureux employ'e de chemin de fer, pris totalement `a l’improviste, roulait sur le sol, plus qu’aux trois quarts suffoqu'e…
Le pauvre homme 'etait assur'ement fort surpris de ce qui lui arrivait, mais `a vrai dire Bouzille ne l’'etait pas beaucoup moins, en raison de ce qu’il avait fait.
Bouzille regardait, en effet, son adversaire 'ecroul'e sur le sol, et s’'etonnait `a part lui de l’avoir si proprement r'eduit `a l’impuissance.
— Voil`a ! pensait le chemineau. Voil`a comment j’op`ere, moi… Ah ! c’est que j’suis costaud !
Il lui venait une bouff'ee d’orgueil, mais il ne s’abandonnait pas `a la vanit'e, se rappelant vite que les circonstances exigeaient toute son attention, et qu’il importait pour lui d’agir, d’agir vite…
— Au plus press'e ! se dit Bouzille… D’abord, faut pas qu’y m’emb^ete !
Bouzille tirait de ses poches, qui contenaient toujours une invraisemblable collection d’objets, une solide cordelette dont il se servait pour ligoter les poignets et les pieds de l’aiguilleur aux trois quarts 'evanoui.
— Y n’bougera plus, pensa Bouzille.
Puis, il ajoutait :
— Seulement, j’aimerais pas qu’y s’mette `a gueuler !
Pour parer `a cette 'eventualit'e qui pouvait, en effet, se r'ealiser, Bouzille sacrifia son mouchoir et en fit un b^aillon.
— Mais, m’sieur Fandor, pensait-il brusquement… C’qui doit trouver l’temps long…
Dans la cabine de l’aiguilleur, Bouzille apercevait un levier sur lequel 'etait inscrit la mention : disque.Ce levier 'etait abaiss'e. Bouzille se pr'ecipita sur lui.
— En avant ! faisait-il, fermons la voie !
Bouzille releva le levier.
Cette manoeuvre faite d’ailleurs, le chemineau, qui n’'etait pas m'echant, se penchait sur son adversaire, qui le regardait avec des yeux terrifi'es.
Bouzille pensait qu’il n’'etait peut-^etre point d'efendu de calmer un peu les appr'ehensions de sa victime.
— Eh… vieux, commenca Bouzille, comment qu’ca va, les amours ?
L’homme ne r'epondait pas, naturellement, g^en'e par son b^aillon ; Bouzille continua :
— D’abord, j’vais t’dire une bonne chose, c’est que je n’suis pas un assassin, et que faut pas t’faire de bile. Tout ca, tu verras, ca finira bien. La preuve, c’est que j’travaille pour des policiers…
Bouzille se croisait les bras, prenait un air d’importance…
— Je travaille avec J'er^ome Fandor… Dame, c’est un mec qu’est `a la redresse, c’est le copain `a Juve… Justement, il est sur la voie, l`a-bas ; alors, tu comprends, il faut que le train s’arr^ete pour qu’il monte et qu’il pince Fant^omas…
`A cet instant pr'ecis le train passait devant la cabine de l’aiguilleur. Bouzille continua :
— C’est pour ca, mon vieux, que j’viens d’fermer le disque… Si j’l’avais pas ferm'e, une catastrophe se produisait. Maintenant, je n’t’en veux pas. Si tu veux venir boire un verre…