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— Fandor est l`a, s’'etait-il dit, bon, cela va bien ! Je suis d'esormais libre de filer `a Grenoble pour interroger cette M me Verdon, dont m’a parl'e Th'eodore Gauvin !
Juve avait compuls'e l’indicateur, vu qu’il avait un train dans une heure et demie, et fait sa valise… Il 'etait pr^et quand le coup de t'el'ephone de Bouzille arrivait ; d'ecid'e `a tirer la chose au clair, Juve partait imm'ediatement `a la morgue, voulant une fois pour toutes s’assurer que Bouzille s’'etait tromp'e, que le cadavre de Daniel 'etait toujours l`a, et que rien d’extraordinaire n’'etait survenu.
Or, `a la morgue, naturellement, Juve apercevait bien un cadavre qu’il prenait pour le cadavre de Daniel.
Mais ce dont le policier ne se doutait point, press'e qu’il 'etait d’aller sauter dans son rapide, c’est que ce cadavre 'etait en r'ealit'e un vivant et que ce vivant c’'etait J'er^ome Fandor…
Juve, rassur'e par un premier coup d’oeil, tancait d’importance Bouzille.
— T^achez donc d’^etre un peu plus s'erieux, lui disait-il. Voil`a deux fois que vous me d'erangez pour rien !
Et Juve, imm'ediatement, sauta dans un taxi.
`A ce moment, 'etendu sur sa table, J'er^ome Fandor, furieux, pestait :
— C’est assommant, songeait le jeune homme, c’est tout simplement assommant de jouer les cadavres !… Juve ne m’a m^eme pas reconnu, et d’un autre c^ot'e je ne pouvais pas lui dire bonjour ; il y avait dans le c^ot'e du public quarante personnes qui, certainement, auraient perdu la t^ete !
Quelqu’un qui, en revanche, ne perdait pas la t^ete, ne paraissait m^eme qu’`a moiti'e 'etonn'e, le soir m^eme, `a sept heures, lorsqu’il entrait dans la salle d’exposition, c’'etait Bouzille, lorsque celui-ci s’apercevait que le soi-disant cadavre de Daniel 'etait en r'ealit'e Fandor…
Fandor, en effet, las de l’immobilit'e qu’il avait d^u feindre tout le jour, s’'etait tant soit peu retourn'e. Bouzille, voyant cela, s’'etait approch'e du cadavre et le regardait de si pr`es, qu’incapable de r'esister, Fandor finissait par 'eclater de rire…
Bouzille avait bien `a ce moment un petit mouvement d’'etonnement, mais sa continuelle tranquillit'e d’^ame lui permettait de retrouver vite son 'eternel sang-froid.
— Tiens, c’est vous ? faisait-il.
Et ce fut au tour de J'er^ome Fandor d’^etre surpris.
Le jeune homme, pourtant, acquiesca :
— Eh bien, oui, c’est moi… disait-il, c’est tout `a fait moi !
Un instant plus tard, Fandor confessait Bouzille, apprenait les aventures de la nuit pr'ec'edente, le vol d’un cadavre par Fant^omas, l’enqu^ete de Juve, la stup'efaction du garcon Jules.
`A cet instant, Fandor comprenait tout.
— Bon, bon, finissait-il par se dire ; c’est Fant^omas qui a vol'e le cadavre de Daniel, dont `a coup s^ur il a besoin… Juve s’est tromp'e en me voyant. Eh ! eh !… ma foi, mais cela me donne une id'ee !
Un instant, Fandor r'efl'echissait, puis brusquement, il mettait sa main sur l’'epaule du chemineau :
— Bouzille, demandait Fandor, veux-tu gagner cinq louis ?
— S^urement, r'epliqua Bouzille, c’est pas des questions, ca…
— Alors, continua Fandor, tu vas te taire. Personne ne doit savoir que je suis cadavre en ce moment.
Mais pourquoi ca, m’sieur Fandor ?
— Eh, imb'ecile !… parce que je devine quelque chose de fort important. Parbleu, lorsque Fant^omas saura qu’il y a `a la morgue un cadavre qui passe pour le cadavre de Daniel, alors que lui-m^eme est convaincu de l’avoir vol'e, il est probable qu’il viendra faire ici un tour pour se renseigner. `A ce moment-l`a, je lui sauterai `a la figure…
Le plan du journaliste 'etait simple, Bouzille daigna l’approuver.
— Bon, bon, pas trop mal… fit le bonhomme d’un air entendu… Seulement, comment qu’on va s’arranger ? Moi, j’ai des ordres… je dois vous coller dans le frigorifique, et, l`a-dedans, dame ! y n’y a pas d’air et il fait trente degr'es de froid ; s^urement que vous en claquerez, m’sieur Fandor…
Mais Fandor avait r'eponse `a tout :
— Je n’en claquerai pas, disait-il, parce que tu vas me faire le plaisir de ne pas ouvrir les robinets d’air froid communiquant avec la niche o`u je serai, et que, d’autre part, tu perceras des trous dans la porte de bois… Est-ce entendu ?
— Non, dit Bouzille… parce que tout ca, ca vaudrait au moins deux louis de plus…
`A cette r'eponse, Fandor 'eclatait de rire :
— Quel vieux juif tu fais ! disait-il. Mais soit, j’accepte tes conditions… Par exemple, tu m’apporteras `a manger tous les jours…
— Si vous n’^etes pas trop difficile ! riposta encore Bouzille.
Au m^eme moment, Juve, dans le compartiment du train qui l’emportait `a Grenoble, se disait :
— Le cadavre de Daniel est `a la morgue, je puis donc ^etre bien tranquille `a ce sujet, et en toute paix enqu^eter dans le Dauphin'e…