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— Elle a aim'e, pensait Juve, et c’est l`a sa grande faute. Amoureuse, cette femme ne pouvait pas agir autrement qu’elle a agi. Or, son amour, d’abord, n’a pas 'et'e `a un criminel, son coeur avait 'et'e surpris, c’'etait Gurn qu’elle avait aim'e, et seule la Fatalit'e a voulu que Gurn soit devenu Fant^omas.
Juve redressa lentement la t^ete.
— Madame, r'epondait-il d’une voix douce et pitoyable, je ne vous demande aucune confidence. Je ne vous interrogerai pas. Vous avez peur et vous ^etes menac'ee, c’est tout ce que j’ai besoin de savoir. Rassurez-vous, vous savez trop ce que vaut l’adversaire qu’il va nous falloir combattre, pour que j’essaye de vous tromper avec des affirmations absolues. Pourtant, il y a quelque chose que je puis vous promettre, c’est que je ferai tout au monde pour vous sauver et que, d`es cette seconde, vous ^etes sous ma protection.
18 – MORTE ? ? ?
Juve avait visiblement fait effort sur lui-m^eme pour d'ecider d’accorder sa protection `a lady Beltham, et surtout, pour ne pas d'ecider la malheureuse femme `a lui faire quelques confidences relatives `a Fant^omas.
Juve, toutefois, lorsqu’il avait pris une d'ecision, lorsqu’il avait r'esolu d’agir, se gardait de toute h'esitation. Il avait 'et'e fortement tent'e d’abandonner lady Beltham `a son sort. Il avait pens'e que la crainte o`u 'etait la malheureuse 'etait une expiation l'egitime de ses forfaits, mais il s’'etait rendu compte aussi que son devoir d’homme, plus m^eme que de policier, ne lui permettait pas de laisser s’accomplir un assassinat, et d`es lors que le devoir 'etait en jeu, il n’'etait plus capable d’'eviter l’imp'erieuse obligation o`u sa conscience le mettait d’agir, et d’agir sans tarder.
— Madame, r'ep'etait Juve, d`es cette seconde, vous ^etes sous ma protection. Je ferai tout au monde pour vous sauver.
Juve, en effet, se h^ata de prendre des mesures qu’il jugeait indispensables `a la s'ecurit'e de lady Beltham. Il n’y avait pas d’h'esitation. Pour lui, d’ailleurs, c’'etait bien Fant^omas, et Fant^omas seul, qui pouvait menacer la malheureuse qui venait d’implorer sa piti'e.
— Un homme de la trempe du tortionnaire, songeait Juve, ne recule devant rien. Lady Beltham, sans doute, le g^ene pour une de ses entreprises. Cette femme l’embarrasse de remords perp'etuels. Il aime ailleurs peut-^etre. C’est en tout cas un obstacle sur sa route. Il veut la tuer, c’est logique, c’est naturel de sa part.
Juve, cependant, s’il avait 'et'e sinc`ere avec lui-m^eme, serait convenu d’une autre pens'ee qui, sournoisement, le hantait.
— Fant^omas a ador'e lady Beltham, se disait Juve et lady Beltham s’est `a ce point, d'evou'ee `a Fant^omas, qu’il semble bien difficile d’admettre que le bandit ait pu d'ecider de la tuer, et surtout qu’il ait pouss'e la cruaut'e jusqu’`a l’en pr'evenir `a l’avance par un raffinement dont l’horreur est centupl'ee.
Et Juve se prenait `a esp'erer que, peut-^etre, Fant^omas n’avait voulu qu’effrayer lady Beltham, la d'ecider `a s’enfuir, `a dispara^itre, `a s’'ecarter de sa route.
Fant^omas, d’ailleurs, avait agi curieusement.
Plus Juve 'etudiait les d'etails 'etranges des aventures que lui soumettait lady Beltham, et moins il r'eussissait `a les comprendre. Il y avait dans l’ensemble des faits : le vol de Rose Coutureau, l’annonce de la lettre par une vieille femme, la lettre elle-m^eme, tant de myst`eres qu’il 'etait imprudent de vouloir, en quelques instants, d'ebrouiller l’intrigue emm^el'ee de ces t'en'ebreuses affaires.
— Attendons, se disait Juve, et en tout cas, sauvegardons cette femme.
Un autre que le policier e^ut sans doute, `a cet instant, song'e qu’il 'etait fort possible que toutes les paroles de lady Beltham fussent d’affreux mensonges. Un autre se serait demand'e, sans aucun doute, si lady Beltham ne cherchait pas `a attirer Juve dans un pi`ege quelconque et cela sous l’inspiration de Fant^omas.
Mais Juve n’avait pas cette crainte. Il n’avait m^eme pas pens'e `a cette hypoth`ese.
Non, la douleur de lady Beltham, son effroi, sa peur, 'etaient sinc`eres, r'eels, ce n’'etait pas une femme qui jouait la com'edie qu’il avait devant lui.
Juve, pos'ement, m'ethodiquement, logiquement, interrogeait lady Beltham. Il se faisait d’abord conter avec une minutie extr^eme tout ce que la grande dame pouvait savoir des dangers qu’elle courait. C’'etait si peu de chose que Juve n’en tirait aucun renseignement, et d’ailleurs, au fur et `a mesure que la ma^itresse de Fant^omas lui r'epondait, Juve paraissait de plus en plus pr'eoccup'e :
— Madame, dit enfin le policier, interrompant lady Beltham, j’ai un aveu `a vous faire.
— Lequel, Juve ?
— Celui-ci : je vous ai promis de vous prot'eger, je consid`ere que c’est mon devoir et je n’y faillirai pas. D’autre part, vous m’avez dit vous-m^eme, madame, que votre devoir vous emp^echait de m’aider `a arr^eter Fant^omas. Vous jugez qu’une trahison serait indigne de vous, ce sont bien l`a vos sentiments ?
— Oui, Juve.
— Je le comprends. Eh bien, madame, je dois vous avouer que si je veux r'eellement vous prot'eger, il faut aussi, et ce sera une autre partie de mon devoir, que je t^ache encore et toujours d’appr'ehender votre sinistre amant. Il ne faut pas qu’il y ait d’'equivoque honteuse entre nous, nous ne sommes pas amis, madame, nous pouvons ^etre des ennemis sans haine. Vous comprenez dans quelle situation d'elicate je me trouve ? J’accepte de vous sauvegarder, mais je revendique le droit de continuer `a poursuivre Fant^omas, m^eme et surtout en vous sauvegardant. Acceptez-vous ?