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Том 4. Письма 1820-1849
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Тютчев Федор Иванович

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Веймар. 19 сентября 1841

Милая кисанька, я только что вернулся от большого обеда, который великая герцогиня давала в честь кронпринца Баварского*, прибывшего невесть откуда и отправляющегося неизвестно куда; я видел только, как он внезапно вошел в сопровождении своей свиты, Цоллера, слащавого Воблана и пр. и пр. Надобно знать, что единственное развлечение здесь — это обеды у великой герцогини и пр. и пр. В конце концов, это скучно, и мне не терпится сказать о Веймаре: я там был.

Вчера утром, милая кисанька, я получил твое письмо. На меня пахнуло нашими сказочными временами — тот же размер листа, та же надпись на конверте, тот же почерк — но, слава Богу, на этом сходство и кончается. Насколько больше я люблю настоящее.

Мне бы внести больше порядка в мое письмо, но это невозможно. Я вернулся от обеда. В сущности, здесь нет ничего примечательного, кроме великой герцогини, я бы хотел, чтобы ты с ней познакомилась. Она настоящая великосветская дама, и нелепо, словно она здесь по недоразумению, видеть ее, с величественными манерами, среди ничтожного провинциального и педантичного веймарского окружения. Она оказала мне самый любезный прием. Я обедал у нее через день после моего приезда. Назавтра я провел у нее вечер. Это не так весело, как на вечерах у <1 нрзб>, но столь же достойно.

Я уже знаю более или менее всех здесь и не могу пройтись по улице, чтобы не встретить человека, которого знаю по имени. Подумай, как это весело. Еще и поэтому я спешу уехать. Теперь предстоит только преодолеть сопротивление Мальтицев, которые невесть почему вообразили, будто я приехал сюда с намерением провести рядом с ними несколько недель! Как бы не так! Что до меня, я понял, что мог бы увезти их в Лейпциг, где только что открылась ярмарка, а оттуда по железной дороге в Дрезден. Это и их желание тоже. Но сомнения всякого рода, терзающие беднягу Мальтица, не позволяют этим планам осуществиться. 30 сентября состоится какая-то годовщина, удерживающая его в Веймаре, — и ты понимаешь, конечно, что я ничуть не расположен дожидаться его… Впрочем, что тебе сказать? Я не настолько наслаждаюсь их обществом, чтобы приговорить себя к скуке из любви к ним. Добрая Клотильда по-прежнему настолько же резка и неуживчива со всем миром, насколько обожает своего мужа. Однако если обожание мешает мне, когда я являюсь его предметом, то оно глубоко досаждает мне, когда я являюсь всего лишь свидетелем его. Что касается до Мальтица, скучная жизнь, без круга общения, перевозбудила его нервы до крайней степени и он, при всей его доброте, порою бывает взбалмошным, как болезненный ребенок.

Тютчевой Эрн. Ф., 15/27 сентября 1841*

66. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 15/27 сентября 1841 г. Дрезден

Dresde. Ce 27 septembre

Ma chatte ch'erie. Il me semble qu’il y a des si`ecles que nous nous sommes quitt'es. Ah, quel ennuyeux plaisir que le voyage. Me voil`a `a Dresde depuis hier et je n’y suis venu que pour l’acquit de ma conscience. Hier cependant, en arrivant ici, j’'etais dans une disposition tout `a fait sentimentale et qui avait je ne sais quel air de r^eve. Dresde est un endroit auquel je rattachais des souvenirs qui me sont bien chers et qui me sont devenus plus personnels que les miens propres. C’est ici que tu es n'ee, et cette petite circonstance qui alors 'etait si 'etrang`ere `a ma destin'ee, devait en devenir tout le fond et `a la m^eme 'epoque une autre existence, un autre pass'e… Mais tr^eve de souvenirs. Cela grise comme de l’opium et fait avorter une lettre d`es le d'ebut. Ce qui a pu contribuer `a me sentimentaliser, c’est la mani`ere toute particuli`ere dont le mouvement de la voiture `a vapeur agace les nerfs… Mais voyons. T^achons de prendre le ton narratif… J’ai quitt'e Weimar le 24, demandant mentalement pardon aux Maltitz d’avoir 'et'e injuste envers eux par l’effet de l’ennui — la veille encore ils m’ont fait d^iner avec la belle-fille de Goethe* qui, malgr'e sa laideur et ses boucles grises, et une dose passable d’affectation, m’a assez plu. Il est vrai que mes premi`eres impressions sont presque toujours d’une indulgence extr^eme. Si elles avaient de la dur'ee, cela tournerait `a la charit'e.

A Leipsick je suis tomb'e dans un gouffre d’hommes, de boutiques, de marchandises. C’'etait la seconde semaine de la foire, c’est-`a-d<ire> le moment de sa plus grande activit'e. Toutes les auberges pleines de monde, pas moyen d’obtenir un pauvre petit coin pour y reposer la t^ete. Je me disais `a moi-m^eme, en essayant d’imiter tes intonations, que j’'etais le plus d'esorient'e des petits. Enfin la Providence m’a pris par la main et m’a men'e loger chez un maquignon. La m^eme Providence quelques heures plus tard m’a fait rencontrer au plus fort de la bagarre Fr. Bothmer*, revenant du Mecklenbourg et perdu, comme moi, au milieu de ce chaos. Comme il 'etait aussi sans asile je l’ai conduit chez mon maquignon et lui ai g'en'ereusement c'ed'e la chambre du Brochet. Et puis nous nous sommes mis `a fl^aner de compagnie. Mais, pour ma part, je suis certainement l’homme le moins digne d’une foire. Cela me fait le m^eme effet que produirait sur toi la lecture d’un livre de m'ethaphysique. Pour m’int'eresser un peu `a tous les objets que je regardais sans voir il m’aurait fallu l’interm'ediaire de tes yeux; ah, que n’'etais-tu l`a! Que j’ai maudit ma stupidit'e qui m’emp^echait dans ce tas de marchandises de fixer, m^eme en id'ee, un choix quelconque. Mais je sais bien ce que j’en vais faire. A mon retour je suis d'ecid'e `a acheter la foire toute enti`ere, je te l’apporterai. Alors tu pourras choisir `a volont'e.

De Leipsick je suis parti sur le chemin de fer `a trois heures de l’apr`es-midi et suis arriv'e ici `a 7 h<eures>. C’est une distance de 16 m<iles>, la m^eme qu’entre Ratisbonne et Munich. Il faut convenir que cette vapeur est une grande magicienne, et il y a des moments o`u le mouvement est si rapide, si d'evorant, o`u l’espace est compl`etement vaincu, supprim'e qu’il est difficile de ne pas 'eprouver un petit sentiment d’orgueil. Arriv'e `a Dresde j’ai pu le m^eme soir encore aller au th'e^atre et j’y suis all'e moins pour mon plaisir que pour en faire honneur au chemin de fer.

Dresde n’a pas beaucoup pris le grandiose de Prague, mais la vue sur l’Elbe de la terrasse de Br"uhl est charmante, c’est-`a-d<ire> serait charmante, si tu 'etais l`a. H'elas, ce n’est pas un compliment que je te fais, en parlant ainsi, c’est tout bonnement l’aveu de mon impuissance d’exister par moi-m^eme.

Ce matin je me suis mis en r`egle avec la galerie de tableaux, puis j’ai 'et'e voir Schr"oder*, notre M<inistre> `a Dresde qui m’a retenu `a d^iner. Ce pauvre Schr"oder est certainement un des mortels les plus nuls et les plus insipides que j’ai rencontr'es. Il y a l`a un malheureux secr'etaire qui est son souffre-douleur et qui m’a ait fr'emir par le retour qu’il m’a fait faire sur moi-m^eme. Car enfin la destin'ee de cette pauvre cr'eature aurait pu ^etre la mienne. J’ai trouv'e aussi `a Dresde une colonie de Russes, tous de mes parents et amis, mais de parents, que je n’ai pas vu depuis 20 ans, et des amis dont je ne savais plus le nom. Cela m’a valu encore quelques impressions peu agr'eables. Il y a l`a entr’autres ma cousine que j’ai connue enfant et que j’ai retrouv'ee vieille femme. C’est la soeur d’un de ces malheureux exil'es en Sib'erie qui a fait le mariage romanesque avec une jeune Francaise o`u j’ai eu quelque part. Eh bien, ce fr`ere est mort, sa femme est morte, son p`ere, sa m`ere sont morts, tout est mort, et la cousine en question se meurt aussi de la poitrine*.

Ah, qu’il me tarde de te revoir! Aussi je veux partir demain, en repassant par Leipsick, et j’esp`ere, Dieu aidant, ^etre pr`es de toi dimanche prochain. Mais, si par hasard j’arrivais un jour ou deux plus tard, ne t’en inqui`etes nullement. Comme je ne suis pas s^ur de pouvoir aller tout d’une traite jusqu’`a Munich, je coucherai peut-^etre une fois en route.

Aie soin aussi, ma chatte, que je trouve quelques lignes de toi `a Augsbourg, car il est possible que c’est par ce c^ot'e-l`a que j’arrive. Adieu. Je me sens trop nerveux pour continuer `a 'ecrire. Embrasse les enfants. A toi de coeur.

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