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L’offre de son fr`ere terrifiait la jeune femme.
Ah ! ce serait vraiment du beau. Comme cela simplifierait la situation si Geoffroy-la-Barrique provoquait Vagualame et jetait le vieillard `a la porte…
Il fallait `a tout prix 'eviter une semblable complication. Bobinette, d’ailleurs, n’'etait venue voir Geoffroy-la-Barrique que pour se d'esennuyer. Elle n’avait pas grand-chose `a lui dire, peu importait qu’elle abr'ege^at sa visite, d’autant qu’elle imaginait bien que Vagualame n’'etait point entr'e par hasard, qu’il avait `a lui parler, qu’il fallait se mettre `a sa disposition…
— Tiens-toi donc tranquille, Geoffroy, fit-elle, je ne connais pas ce bonhomme, et tu te trompes tout `a fait si tu t’imagines qu’il m’emb^ete… D’ailleurs, mon cher Geoffroy, je vais m’en aller…
— T’en aller ? Qu’est-ce qui te prend, Bobinette ?
— Il me prend que j’ai affaire ailleurs, et que maintenant que je te sais en bonne sant'e, Geoffroy, je continue ma promenade.
— Vrai, tu caltes d'ej`a ?
— Appelle le patron. Voil`a un louis. Paye tes consommations et garde le reste…
C’'etait l`a un argument d'ecisif qui calmait imm'ediatement le chagrin que Geoffroy-la-Barrique pouvait avoir du d'epart de sa soeur.
— Bon ! je n’ai rien `a dire, du moment que tu paies. Mais, tout de m^eme, tu as des id'ees qui ne sont pas ordinaires…
Bobinette s’inqui'eta peu de la remarque, et, rapidement, ayant serr'e la main de son fr`ere, gagna la porte du Veau-qui-Pleure, tournant rue Monge, marchant `a petits pas, bien persuad'ee que Vagualame allait la rejoindre. `A cette heure avanc'ee, la chauss'ee 'etait enti`erement d'eserte. Nul passant ne croisait la jeune femme qui, s’enfoncant dans l’obscurit'e de la voie silencieuse, 'evitait avec soin de traverser les taches de lumi`ere que jetaient, de loin en loin, les devantures encore 'eclair'ees de bouges analogues au Veau-qui-Pleure. Il y avait d'ej`a cinq minutes que la jeune femme marchait. Bobinette avait pris soin de ne point tourner la t^ete pour ne pas risquer d’'eveiller l’attention d’un observateur, d’ailleurs probl'ematique, lorsqu’elle sentit que quelqu’un qui pressait le pas et venait derri`ere elle allait la rejoindre. Une main s`eche sur son 'epaule : Vagualame 'etait aux c^ot'es de sa complice. Le bandit ne perdit point de temps en formules de politesse :
— Cette esp`ece de g'eant, c’est ton fr`ere ?
Bobinette fit « oui » de la t^ete, puis elle demanda `a son tour, la voix haletante :
— Vous ^etes donc libre ?
— Probable !
— On vous a donc rel^ach'e ?…
Vagualame parut h'esiter quelques secondes… Devait-il dire `a la jeune femme, ce qu’il savait pertinemment, qu’il n’avait jamais 'et'e arr^et'e ? qu’il y avait deux Vagualame ? Devait-il ruser, au contraire ? Le bandit essaya de tergiverser.
— Pressons le pas, dit-il, il fait un temps du diable, allons nous mettre `a l’abri…
— O`u ca ?
— Tu verras bien… chez des amis…
Bobinette r'ep'eta :
— On vous a donc rel^ach'e ?
— Bobinette, tu n’es qu’une sotte, dit le vieux joueur d’accord'eon. L’homme que l’on a arr^et'e chez toi 'etait un agent de police qui s’'etait fait ma t^ete pour te cuisiner… tu t’es laiss'ee prendre `a son man`ege comme une imb'ecile…
Interdite, Bobinette consid'erait le bandit.
— Mais alors, dit-elle subitement, si un agent s’est grim'e en Vagualame, c’est que l’on sait que vous ^etes coupable !… C’est que l’on vous poursuit ? et c’est une imprudence folle que vous faites en venant me rejoindre ainsi habill'e… Pourquoi ne vous ^etes-vous pas camoufl'e ?
— Probablement ai-je un plan, une raison que tu ignores, Bobinette ? fit-il… Mais laissons cela. Comment n’as-tu pas devin'e la supercherie, rien qu’`a la voix, `a l’enrouement ?… Comment, depuis, n’as-tu pas compris la v'erit'e ? Tu aurais d^u tout saisir lorsque tu as recu ma d'ep^eche `a Rouen… hein ?… Enfin, ne revenons pas sur le pass'e !… Par bonheur, ton extraordinaire na"ivet'e n’a pas eu trop de cons'equences… sauf la stupide facon dont tu as laiss'e reprendre le d'ebouchoir, et dont tu as fait 'echapper le faux caporal Vinson… nous en reparlerons !
— Mais… est-ce que je pouvais agir autrement ?
Elle n’insistait pas, toutefois. Vagualame venait de lui jeter un tel regard qu’elle ne pouvait plus douter : elle se trouvait bien en face de son ma^itre. Et le ma^itre n’admettait pas les discussions…
`A peine osa-t-elle interroger encore :
— Comment avez-vous appris mon adresse `a la Chapelle ? Je ne l’ai donn'ee `a personne…
— Cela, c’est mon affaire, tu devrais t’^etre apercue que je sais, toujours ce que j’ai besoin de savoir ?
— Mais comment ^etes-vous venu aujourd’hui au Veau-qui-Pleure ? Geoffroy ne vous conna^it pas et lui seul savait que je devais le voir !… Vous m’avez suivie ?
— Mettons que je t’ai suivie… As-tu bient^ot fini de me poser des questions ? Je suppose que c’est un peu mon tour de te demander ce que tu deviens ?
— Vous devez le savoir, murmura-t-elle. Quand, en revenant de Rouen, j’ai d'ecid'e de ne pas rentrer chez le baron de Naarboveck, je me suis enfuie `a la Chapelle. Vous m’avez 'ecrit imm'ediatement de d'em'enager, d’aller me pr'esenter comme demoiselle de compagnie chez M meOlga Dimitroff. J’y ai 'et'e : cette dame m’a engag'ee… je suis encore chez elle…