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L’officier allait 'eclater, quand Servin dit `a voix basse :
— Mon commandant, quelqu’un d'esire ^etre recu par vous, tout de suite.
Le commandant lut sur le bristol : « Juve, inspecteur de la S^uret'e ».
— Que veut-il ? demanda le commissaire du gouvernement .
— Mais c’est ce policier qui a arr^et'e le caporal Vinson…
— Eh bien ! rugit Dumoulin dont l’exasp'eration s’accroissait, il arrive `a pic, ce particulier-l`a ! faites entrer.
Une seconde apr`es, Juve 'etait dans le cabinet de Dumoulin, qu’il saluait d’un aimable sourire :
— Figurez-vous que cet animal, ajouta-t-il en regardant s'ev`erement l’inculp'e, ne veut pas avouer son identit'e !…
Juve allait droit `a l’officier et, sans regarder le militaire qui se trouvait `a contre-jour :
— C’est moi, mon commandant, d'eclara-t-il, qui ai proc'ed'e `a l’arrestation du caporal Vinson, en cons'equence, j’ai cru devoir venir me mettre `a votre disposition…
— Vous avez joliment bien fait, s’'ecria Dumoulin en coupant la parole `a l’inspecteur de la S^uret'e ; eh bien ! obtenez donc qu’il avoue. Obligez-le `a nous dire s’il est oui ou non le caporal Vinson !
Dumoulin, d’un geste th'e^atral, d'esignait `a Juve le prisonnier.
Mais le policier resta bouche b'ee, cependant que le militaire, instinctivement, allait `a lui d’un mouvement vif, spontan'e :
— Fandor !
— Juve !
— Ah ! par exemple, qu’est-ce que cela signifie ?…
— Cela signifie, Juve, que je suis arr^et'e aux lieu et place du caporal Vinson !
— Pas le moins du monde, j’arrive de Londres et j’ai arr^et'e Vinson hier soir `a Calais !… Mais me diras-tu, Fandor, comment il se peut que je te retrouve sous cet uniforme ?
Le journaliste 'eclata de rire :
— Mon cher Juve, j’en ai pour deux heures `a vous en raconter avant que vous ne compreniez un mot de cette affaire. Mon commandant, je dois vous confirmer qu’en effet je ne suis pas le caporal Vinson, mais bien un journaliste… que vous connaissez peut-^etre de nom : J'er^ome Fandor, r'edacteur `a La Capitale. Si vous me voyez sous cette tenue, ou pour mieux dire, dans l’esp`ece, sous ce « d'eguisement », cela tient `a une s'erie d’'ev'enements dont je me ferai le plaisir de vous communiquer le d'etail, lorsque j’aurai moi-m^eme mis un peu d’ordre dans mes id'ees. Je suis fort heureux de la circonstance qui me r'eunit `a mon ami Juve, lequel pourra vous confirmer, si vous le jugez n'ecessaire, l’exactitude de mes dires…
Le commandant Dumoulin, de plus en plus interdit, regardait successivement le policier, le journaliste, son greffier… Il se tourna, congestionn'e, 'ecarlate, du c^ot'e du lieutenant Servin. Celui-ci, d`es le d'ebut de cette sc`ene vaudevillesque, 'etait all'e dans son bureau donner un ordre `a un secr'etaire qui pr'ecis'ement venait de revenir.
Et le lieutenant ayant enregistr'e la r'eponse que lui apportait le sous-officier rentrait juste dans le cabinet du commandant au moment o`u celui-ci le cherchait des yeux. Le lieutenant haletait comme sous le coup d’une 'emotion indicible.
Enfin il s’expliqua :
— Mon commandant… Monsieur Juve… Un 'ev'enement inattendu…, une chose invraisemblable que j’apprends `a l’instant… Je venais de donner l’ordre de faire amener ici, imm'ediatement, le caporal Vinson, le vrai, celui que M. Juve a arr^et'e sous le nom de Butler, or, il para^it qu’en arrivant dans sa cellule, il est mort.
— Qu’est-ce que vous dites ? interrog`erent ensemble Juve et Dumoulin.
— Je dis qu’il est mort ! r'ep'eta le lieutenant.
— Mais comment cela ? questionna encore le policier.
Le lieutenant fit venir le sergent d’administration.
— Allez chercher le docteur.
On se tut et quelques secondes plus tard, un jeune aide-major parut sur le seuil du bureau.
— Expliquez-vous, monsieur, qu’y a-t-il ?
— Mon commandant, on m’a fait demander, il y a une heure environ aupr`es d’un prisonnier 'evanoui, disait-on. Cet homme, en traversant la rue du Cherche-Midi, avait soudain perdu connaissance et ses gardiens ne pouvant le ranimer l’avaient conduit dans sa cellule. `A mon arriv'ee il 'etait mort.
— Mort de quoi ? interrogea le commandant.
— Il est mort d’une balle au coeur : je m’en suis apercu en le d'eshabillant. On retrouvera la balle `a l’autopsie, car, vraisemblablement, elle s’est log'ee dans la colonne vert'ebrale.
Le commandant Dumoulin s’'etait lev'e, marchait de long en large dans son bureau, en proie `a une agitation folle :
— Ah c`a ! mais, voyons… on ne tue pas comme ca les gens en pleine rue… c’est inou"i ! invraisemblable ! une balle, ca suppose un fusil, un revolver, une d'etonation !… cela fait du bruit !