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Avec son beau courage, son admirable m'epris du danger, Juve avait murmur'e :
— Il n’y a pas `a h'esiter. Risquons le tout pour le tout. `A la gr^ace de Dieu.
Franchissant la petite cl^oture de la voie du chemin de fer, le policier s’'elanca derri`ere Rosa dite Mirette, parvint en m^eme temps qu’elle au bas de la tranch'ee, au niveau de la voie, et se dressa soudain devant la pierreuse :
— Mirette, 'ecoute-moi, d'eclara-t-il brusquement.
La jeune femme, r'eprimant un cri de surprise, se retourna, s’arr^eta net, consid'era l’homme qui venait vers elle, ne le reconnut pas tout d’abord. Mais Juve s’'etant approch'e, l’'enigmatique femme de chambre ouvrit des yeux hagards, et d’une voix qu’'etranglait l’'emotion, elle s’'ecria :
— Ah, par exemple, que faites-vous ici ? O`u voulez-vous aller ? Vous m’avez donc suivie ?
— Non, d'eclara Juve sombrement, je suis ici parce que je devais y ^etre.
Le policier prononcait ces paroles au hasard. Il avait une id'ee : il sondait le terrain.
Par bonheur cela devait r'eussir `a merveille.
— Vous deviez y ^etre, et pourquoi ?
— J’ai `a causer avec B'eb'e.
— `A mon amant, s’'ecria Mirette, tu ne vas pas lui faire une histoire au moins.
— Penses-tu, c’est pour les affaires s'erieuses que j’ai besoin de le voir, dit Juve.
— Les affaires ? interrogeait encore la ma^itresse de B'eb'e, as-tu donc des combines `a lui proposer ? Tu m’as l’air d’un dr^ole de type. Qu’est-ce que tu faisais `a Saint-Calais ? Pourquoi es-tu venu me relancer ?
— Pauvre gosse, fleur de tourte que tu es, si je me suis amen'e, et si je t’ai coll'e au train, c’est rapport `a la police qu’avait les yeux sur toi. Je ne voulais pas qu’il t’arrive du mal, et c’est ce que je leur dirai aux autres tout `a l’heure si des fois on m’interroge.
— Aux autres, tu es donc des… des…
— Des T'en'ebreux, c’est 'evident.
Rosa dite Mirette, sembla rassur'ee, et, c’est m^eme avec sympathie qu’elle regarda ce beau gars qui lui avait fait une cour empress'ee si galante et pendant toute la journ'ee.
Peut-^etre, si elle avait eu son sang-froid absolu, Rosa, dite Mirette, se serait-elle rendu compte de l’invraisemblance des affirmations de son compagnon. Mais Mirette 'etait encore sous l’impression un peu grisante des deux choses qui troublent le plus les femmes : les vapeurs du champagne et les propos d’amour.
Quelques instants plus tard, Juve suivait Mirette qui s’acheminait vers le fond du tunnel o`u devait avoir lieu la r'eunion des T'en'ebreux.
6 – O`U LES T'EN'EBREUX APPARAISSENT EN CLAIR
Ainsi que l’avait annonc'e B'eb'e `a ses sinistres camarades, les membres de la Bande des T'en'ebreux, l’insaisissable Fant^omas pour une fois avait 'et'e pris.
Le bandit, arr^et'e sur l’indication de Juve, et m^eme par les soins du c'el`ebre policier, au moment o`u il se faisait passer pour l’empereur de Russie, avait 'et'e appr'ehend'e `a la fronti`ere franco-belge.
Le monstre, toutefois, faisant preuve d’une stup'efiante pr'esence d’esprit, avait eu le soin de se faire arr^eter en territoire belge, et m^eme, de s’accuser d’un crime qu’il n’avait pas commis, ceci uniquement pour se rendre justiciable des tribunaux belges, qui continuent de condamner `a mort mais tout en sachant pertinemment qu’on n’ex'ecute plus dans le Royaume, depuis bient^ot un demi-si`ecle.
C’est ainsi que Fant^omas, sit^ot les formalit'es de la commutation de peine effectu'ees, avait 'et'e conduit `a la prison r'eserv'ee aux coupables de son esp`ece, `a la maison d’arr^et de Louvain, g'en'eralement connue sous le nom de « Bagne de Louvain ».
***
Un matin du mois d’avril, le directeur de la prison, M. Van den Grossen, 'etait avis'e par son courrier volumineux qu’il d'epouillait, d`es sept heures, qu’un lot de prisonniers assez important allait lui ^etre livr'e dans l’apr`es-midi, et en effet au moment indiqu'e, la grosse porte de la prison s’'etait ouverte `a deux battants pour laisser p'en'etrer, entre une haie de gendarmes, sabres au clair, une vingtaine de mis'erables encha^in'es qui 'etaient envoy'es au bagne par les diff'erentes prisons belges, o`u ils avaient 'et'e d'etenus en attendant leur condamnation d'efinitive.
Parmi ces prisonniers se trouvait un homme d’une quarantaine d’ann'ees, `a la silhouette robuste, au visage 'energique.
Lorsqu’on appela le D. 33, M. Van den Grossen releva la t^ete et le consid'era attentivement. Le D. 33 c’'etait l’homme au visage 'energique.
Le directeur appela le gardien-chef de la division D.
— Major, dit-il, je vous recommande tout particuli`erement le 33.
Le gardien-chef feuilleta les papiers qu’il avait `a la main.
— Compris, monsieur le directeur. Eh bien, soyez tranquille, on l’aura `a l’oeil. D’ailleurs, les plus mauvaises t^etes sont vite mat'ees ici.