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Les deux hommes s’estimaient, s’appr'eciaient. Ils n’avaient point des relations de sous-ordre `a patron, mais plut^ot d’ami `a ami.
Pourtant, ce matin-l`a, avant d’entrer chez le gouverneur, le baron de Roquevaire parut h'esiter :
— Dois-je lui avouer ? se demandait-il.
Puis, il haussa les 'epaules :
— H'elas, comment n’avouerais-je pas ?
Le caissier principal de plus en plus troubl'e, parvint jusqu’au grand salon qui servait de salon d’attente et demanda `a l’huissier :
— Puis-je voir M. Ch^atel-G'erard ?
— Veuillez vous donner la peine d’entrer, monsieur le caissier. M. le gouverneur est seul.
L’huissier avait pouss'e les portes rembourr'ees. Le baron de Roquevaire p'en'etra dans le somptueux cabinet du gouverneur.
Or, `a peine M. de Roquevaire s’'etait-il introduit dans la grande pi`ece que M. Ch^atel-G'erard, qui travaillait `a son bureau, levait la t^ete et le regardait avec stup'efaction.
— Eh bien, mon cher ami, comment va ? Mais vous semblez tout dr^ole, en v'erit'e. Pas d’ennuis ?
— Un ennui tr`es grave, monsieur le gouverneur.
— Vous m’effrayez. Un ennui personnel ou un ennui de m'etier ?
— Un ennui de m'etier, mon cher gouverneur.
— Alors, j’arrangerai cela.
M. Ch^atel-G'erard souriant, s^ur de lui, feignait de plaisanter ; il interrompit son caissier pour lui offrir une cigarette `a bout d’or dans un 'el'egant 'etui.
— Vous fumerez bien ?
Mais, comme le baron de Roquevaire avait refus'e, M. Ch^atel-G'erard poursuivait :
— Vous avez vu le nouvel exploit de Fant^omas hier apr`es-midi ?
— H'elas, monsieur le gouverneur, il s’agit bien de cela…
— Ah c’est vrai, j’oubliais. Qu’y a-t-il donc ? Confiez-moi vos peines.
— Monsieur le gouverneur, disait-il enfin, je viens de m’apercevoir, il y a quelques instants, d’une terrible aventure.
— Laquelle ?
— J’ai perdu le clef de la caisse.
— Hein ?
Cette fois, le gouverneur g'en'eral de la Banque avait p^ali, et c’'etait en se dressant qu’il interrogeait nerveusement son malheureux subordonn'e :
— Vous avez perdu la clef de la caisse ? Quelle clef ? Quelle caisse ? La caisse de tous les jours, j’esp`ere ?
L’angoisse visible de M. Ch`atel-G'erard venait de ce fait, qu’`a la Banque de France, les r'eserves en or qui garantissent l’'emission des billets de banque et atteignent des valeurs formidables, sont entour'ees et prot'eg'ees par des pr'ecautions toutes sp'eciales. Il y a, `a la Banque, la caisse ordinaire, caisse dans laquelle se trouvent enferm'ees les esp`eces n'ecessaires au fonctionnement quotidien de l’'etablissement de cr'edit. Il y a aussi ce que l’on appelle la « caisse secr`ete » qui est install'ee dans des caves et o`u se trouvent pr'ecis'ement les lingots d’or qui repr'esentent la valeur des billets de banque 'emis.
M. Ch^atel-G'erard revint `a la charge :
— Parlez donc, Roquevaire. Quelle clef avez-vous perdue ? La clef de la caisse ordinaire ou des caves ?
— J’ai perdu la clef des caves, monsieur le gouverneur.
— Sapristi, mon cher de Roquevaire, c’est une f^acheuse histoire, une tr`es f^acheuse histoire. Mais enfin, rien n’est perdu, c’est le cas de le dire. Les caisses ne sont pas en danger puisqu’il y a encore deux autres clefs, la mienne et celle de Tissot, mais tout de m^eme, c’est f^acheux…
M. le gouverneur g'en'eral s’interrompit, se mordit les l`evres, puis questionna encore.
— Vous ^etes certain que vous avez perdu cette clef ? Comment cela est-il arriv'e ?
— Je ne sais pas, monsieur le gouverneur, je ne saurais pas vous dire. Vous savez que je porte habituellement cette clef `a mon trousseau, comme s’il s’agissait d’une clef ordinaire, car j’estime que ne point la cacher est encore le meilleur moyen de d'erouter ceux qui pourraient avoir l’id'ee d’un vol. Or, monsieur le gouverneur, ce matin, je me suis apercu que l’anneau qui tient mes clefs s’'etait ouvert et que la clef secr`ete des caisses avait disparu.
— O`u vous en ^etes-vous apercu ?
— Chez moi, monsieur le gouverneur.
— Alors cette clef est tomb'ee chez vous ?
— Je l’ai cherch'ee partout.
— Vous l’avez peut-^etre perdue hier soir en revenant de la Banque.
— Peut-^etre, monsieur le gouverneur.
— Avez-vous pens'e `a signaler la chose au commissariat ?
— Oui, monsieur le gouverneur.
— On n’avait rien rapport'e ?
— Non, monsieur le gouverneur, mais je pense qu’il 'etait encore trop t^ot quand je suis pass'e. Maintenant, peut-^etre.