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Том 4. Письма 1820-1849
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Тютчев Федор Иванович

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Me voil`a revenu `a Francfort, apr`es avoir rempli la double mission* dont j’avais 'et'e charg'e, sans me piquer toutefois d’une folle vitesse, apr`es avoir 'et'e en Suisse que j’ai trouv'e aussi calme et prosp'er'e qu’elle est turbulente et agit'ee dans les gazettes*; apr`es avoir pass'e quinze jours `a Bade-Bade qui n’est plus qu’une cohue — huit jours `a Wildbad, aux pieds de la Chanceli`ere — avoir fait ma cour, en passant par Darmstadt, au Grand-Duc H<'eritier> et `a la veille maintenant d’aller trouver Joukoffsky `a Ems pour essayer de me refaire un peu de tous ces amusements*. C’est l`a que s’arr^etera, je pense, ma course qui me rappelle un peu trop le st'erile va-et-vient d’une salle de bal masqu'e. Cette ligne du Rhin y ressemble beaucoup. C’est la m^eme agitation machinale, ayant pour r'esultat des chances `a peu pr`es semblables d’amusement. D’un autre point de vue et en faisant abstraction de mon mis'erable individu, rien d’admirable et d’'ebaubissant que cette prodigieuse croissance mat'erielle de l’Europe, dont le mouvement de plus en plus acc'el'er'e vous inspire malgr'e vous le pressentiment d’une catastrophe.

Mes hommages `a la Princesse et mille amiti'es les plus vraies `a Mr votre fils*. T. Tutchef

Перевод

Франкфурт-на-Майне. 9 августа н. ст. 1847

Вы, конечно, не ожидали, любезный князь, получить от меня деловое письмо, причем касающееся до весьма спешного дела. Вот в чем оно состоит. Ротшильд по моей просьбе отправляет с сегодняшней почтой переводный вексель на 800 рублей серебром для моей жены. Как только вы известитесь о прибытии этого векселя, будьте столь любезны, дорогой князь, перешлите указанную сумму в Гапсаль путем, какой вы найдете самым верным и, главное, самым скорым, ибо благодаря свойственному нам благоразумию в ведении дел случилось так, что жена в настоящую минуту оказалась без гроша в ожидании денег, которые должен был прислать мой брат и которые, судя по ее последнему письму, до сих пор не пришли. И поскольку может случиться, что пройдет еще неопределенное время, прежде чем тот благословенный денежный перевод прибудет в Гапсаль, я подумал, что будет целесообразно послать ей деньги через Ротшильда и Штиглица, умоляя вас приложить свое содействие ради успеха моей финансовой комбинации. В любом случае я обязан это сделать, чтобы избавиться от колючки в мозгу.

Вот я и вернулся во Франкфурт после выполнения данного мне двойного поручения*, хотя и не могу похвастать, что сделал это с чрезмерной скоростью; я побывал в Швейцарии, которую застал столь же спокойной и процветающей, сколь она выглядит бурной и беспокойной в газетах*; провел две недели в Баден-Бадене, где теперь только одна сутолока, неделю в Вильдбаде, у ног канцлерши; представился, проезжая через Дармштадт, великому князю наследнику и теперь пребываю накануне отъезда в Эмс, к Жуковскому, чтобы немного прийти в себя после всех этих развлечений*. На этом думаю завершить мою поездку, слишком очевидно напоминающую мне бессмысленное хождение взад и вперед по зале на бале-маскараде. Рейнский путь весьма на него походит — та же механическая сутолока, в результате весьма далекая от развлечения. С другой стороны, если отвлечься от моей бренной персоны, нет ничего более восхитительного и ошеломляющего, чем эта колоссальная материальная мощь Европы, все увеличивающийся рост которой внушает вам, против воли, предчувствие катастрофы.

Мое почтение княгине и выражение самой искренней дружбы вашему сыну*.

Ф. Тютчев

Тютчевой Эрн. Ф., 29 июля/10 августа 1847*

142. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 29 июля/10 августа 1847 г. Франкфурт-на-Майне

Francfort s/M. Ce 29 juillet/10 ao^ut 1847

Ma chatte ch'erie. Avant-hier, en revenant ici, mon premier mouvement a 'et'e de courir au bureau de la poste o`u j’ai eu en effet la satisfaction de trouver trois de tes lettres qui m’attendaient, car il faut que tu saches que je me suis r'esign'e `a ne pas en recevoir pendant tout ce temps que j’ai pass'e `a Wildbad pour ne pas courir la chance d’en perdre une par quelque confusion qui aurait pu avoir lieu dans ces envois et renvois mutuels. Si tu t’imagines par hasard que tu conjureras par tes lettres mon impatience de te revoir, tu te trompes beaucoup, car il ne m’est jamais encore arriv'e d’en lire une sans me trouver superlativement absurde de t’avoir quitt'ee. Au fond, personne n’a de l’esprit comme toi, et je comprends `a merveille qu’aupr`es de toi tout ce que je rencontre dans le monde me paraisse fade et terne, et il ne faut pas moins que le reflet de ta pr'esence pour me le rendre supportable… C’est tout contrariant, mais c’est ainsi.

Ta lettre du ma^itre de poste de Hapsal — comme on disait du temps de Mad. de S'evign'e — m’a beaucoup amus'e. Elle est vraiment fort jolie. Il y a peu de feuilletons, et de meilleurs, qui vaillent une pareille lettre. J’aime bien les peurs que tu lui causes avec les excentricit'es 'epistolaires de ta correspondance. J’aime beaucoup aussi la figure d’Antoinette Bl<oudoff> en proie `a ses doctes perplexit'es devant ton ignorance si pleine de calme et de s'er'enit'e… tout cela m’avait rendu fort heureux jusqu’`a ce que je fusse arriv'e `a l’endroit de ta lettre o`u tu dis que tu es sans argent et que jusqu’`a nouvel ordre tu allais vivre aux d'epens de tes domestiques. Tu comprends qu’il m’ a 'et'e impossible de supporter cette id'ee. Aussi sais-tu ce que j’ai fait? Je t’ai envoy'e hier une somme de 800 r<oubles> ar<gent> accompagn'ee d’un mot d’avis pour le P<rin>ce Wiasemsky pour le prier qu’aussit^ot la lettre de change arriv'ee il e^ut soin de t’en faire parvenir le montant `a Hapsal le plut^ot possible. Voil`a l’usage que j’ai fait de ta lettre pour Rotschild, car je suis heureusement dans le cas de pouvoir n’y pas recourir pour mon propre compte, attendu que j’ai encore par-devers moi deux cents et quelques ducats qui doivent suffire pour d'efrayer la seconde moiti'e de mon voyage… Pourvu seulement que cette bienheureuse lettre de change arrive assez `a temps pour pr'evenir les derni`eres extr'emit'es de la d'etresse. Mais que devient donc mon fr`ere, et peste soit de son absence et de son silence…

Maintenant je te dois quelques mots sur mon s'ejour `a Wildbad. C’est le lendemain du jour o`u je t’avais 'ecrit de Carlsruhe que j’arrivais dans ce lieu sauvage, peupl'e pour le moment de la pr'esence de la Chanceli`ere. Pas besoin de dire que j’en ai 'et'e recu avec toute la pudique effusion d’une affection aussi r'eelle que r'eserv'ee. Je la trouvai un peu d'emoralis'ee par son isolement, car elle n’avait aupr`es d’elle que sa fille Chreptovitch, quelque peu ennuy'ee aussi du s'ejour que sa pi'et'e filiale lui faisait subir. Quant `a la soci'et'e de l’endroit, elle 'etait compos'ee en grande majorit'e de toute sorte d’infirmes: perclus, boiteux, culs-de-jatte ou `a peu pr`es. Repr'esente-toi le fauteuil du vieux C<om>te Maistre*, multipli'e `a l’infini et rayonnant dans toutes les directions. Le pays par contre est fort joli. Il m’a rappel'e dans sa douce sauvagerie les sites de Kreuth, etc. etc., la chaumi`ere etc. etc. Je me suis assur'e qu’il y avait encore des montagnes dans ce monde. Que Dieu les b'enisse et les conserve! Car c’est une tr`es grande consolation que d’en voir apr`es trois grandes ann'ees de plaine et de marais… de bonnes, grosses et v'eritables montagnes et qui ne deviennent pas des nuages `a l’horizon quand on y regarde de plus pr`es…

Contre mon attente j’ai rencontr'e `a Wildbad plus de 100 personnes de ma connaissance allemande que je n’en avais vu `a Bade, entr’autres l’ami Parceval que j’ai trouv'e 'etonnamment vieilli, et le gros Helmstadt, le neveu de la Braga, toujours gros et frais et de plus mari'e!.. Il y avait encore en fait d’indig`ene quelque temps m'ediatis'e, un L"owenstein, protestant qui m’a appris avec indignation que sa cousine, la veuve de Const<antin> L<"owenstein>, venait de se faire religieuse… En un mot, j’ai eu l’occasion pendant mon s'ejour `a Wildbad et gr^ace `a la pr'esence de ces Messieurs de compl'eter mes informations relativement `a Munic… Mais je t’en fais gr^ace, `a toi, et pour cause…

Il va sans dire que dans les immenses loisirs de ce s'ejour d'ecid'ement alpestre, la majeure partie de mon temps 'etait exclusivement consacr'ee `a celle qui m’y avait attir'e. Nous nous voyions d’abord le matin `a la source; puis, `a trois heures de l’apr`es-midi je venais la chercher pour la promenade. Puis je d^inais — et tr`es bien — avec ces dames et chez elles.

Et le reste du jour 'etait tout `a jouir… Aussi lorsqu’apr`es huit jours de cette douce entente il a fallu se s'eparer, nos adieux ont 'et'e des plus tendres, et l’arbre de notre amiti'e sous la b'enigne influence du soleil de Wildbad a pouss'e de nouveaux rejetons… Au sortir de l`a j’allai par le chemin de fer `a Heidelberg o`u je couchai, et le lendemain je profitai de quelques 'eclaircies pour visiter la splendide ruine qui m’a paru plus belle que jamais. Dans mon ardeur j’avais pris un 'elan qui me portait tout au sommet de la montagne et bien au-dessus du ch^ateau. Mais cet exc`es de z`ele fut amplement r'ecompens'e par la vue d’un des plus magnifiques panoramas qui se soient jamais d'eroul'es sous mes yeux. La plaine au loin immense et bleu^atre, laissant luire de loin en loin les sinuosit'es du Neckar, et sous mes pieds ce monde de verdure lustr'ee, 'eclatante sur laquelle se d'etachaient ces admirables pierres, si chaudes de ton et de formes si gracieuses. Ah, le beau pays! Mais il est ridicule d’en parler, `a moins d’y ^etre. C’est raconter de la musique.

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