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— Puisque je vais avoir un locataire, songea-t-elle en 'etouffant un soupir, il importe que mon jardin soit bien tenu !
M me Verdon montait alors au deuxi`eme 'etage de sa maison, o`u d’ordinaire elle ne venait qu’`a de bien rares intervalles.
Les pi`eces, `a cet 'etage, 'etaient froides, humides, renferm'ees. On y sentait une persistante odeur de moisi comme dans les appartements qui depuis longtemps n’ont pas eu d’habitants.
M me Verdon qui avait, pendant quelques heures de la journ'ee, une femme de m'enage `a son service, se disposait `a aller chez celle-ci la prier de revenir lorsque soudain, alors qu’elle s’appr^etait `a fermer sa maison pour aller jusqu’au village de Dom`ene, elle apercut quelqu’un qui, ayant franchi la grille du jardin, arrivait jusqu’au perron de la maison.
Du premier coup, M me Verdon reconnut le personnage que lui avait annonc'e M me F'erot, rien qu’`a la silhouette tr`es particuli`ere qu’il avait.
C’'etait absolument le bonhomme No"el avec sa grande barbe blanche descendant jusqu’`a la ceinture et ses cheveux boucl'es tr`es longs et tr`es blancs aussi s’'echappant d’une calotte de velours plac'ee sur le sommet du cr^ane.
Le personnage avait le physique que l’on se compla^it `a accorder par l’imagination aux gens qui exercent sa profession.
Il 'etait drap'e dans une sorte de grande houppelande, ressemblant aussi bien `a une robe de chambre qu’`a un pardessus, et que serrait `a la taille une cordeli`ere comme en ont les religieux des ordres mendiants.
Le personnage 'etait chauss'e de gros souliers ferr'es, et sur son dos vo^ut'e il portait, suspendue par une courroie, une grande besace de cuir, gonfl'ee de linge et de cailloux.
— Monsieur le professeur Marcus ? interrogea M me Verdon qui r'eprimait un sourire en voyant l’accoutrement du bonhomme et qui malgr'e tout n’'eprouvait pas une mauvaise impression, car dans le visage de ce vieillard, dont les traits 'etaient dissimul'es sous une 'epaisse touffe de poils hirsutes recouvrant presque enti`erement la face, brillaient deux yeux 'etrangement intelligents et spirituels.
Comme l’avait dit l’inspecteur du Palace-H^otel, le mari de M me F'erot, cet homme-l`a ne devait pas ^etre une b^ete, loin de l`a !
Le vieillard, cependant, s’inclinait devant son interlocutrice. Et, en faisant ce mouvement, il l^acha son sac, qui s’'eventra sur le sol, r'epandant autour de lui tout un attirail de g'eologue, comportant des petites pioches en acier, des truelles et des 'echantillons de pierres aux couleurs 'eclatantes.
Cependant qu’il jetait un coup d’oeil attrist'e sur son bagage r'epandu dans le jardin, le vieillard, qui assur'ement connaissait les usages du monde, laissait ces objets dans leur d'esordre pour s’approcher de M me Verdon et se pr'esenter `a elle dans les r`egles.
— Je suis, en effet, le professeur Marcus, d'eclara-t-il, Marcus de Zurich, dont vous avez peut-^etre entendu parler. Mes travaux sont d’ailleurs connus de toutes les personnes intelligentes et instruites qui s’int'eressent `a la g'eologie…
M me Verdon l’interrompit :
— Monsieur le professeur, fit-elle, je ne suis qu’une pauvre femme, une humble m'enag`ere, et je n’entends rien `a votre science, mais votre nom m’est connu parce que la femme de l’inspecteur du Palace-H^otel, auquel vous vous ^etes adress'e hier au soir, sort d’ici et m’a fait conna^itre votre intention de vous installer chez moi.
Un 'eclair de satisfaction br^ula dans le regard du vieillard, qui, s’inclinant `a nouveau jusqu’`a terre, interrogea d’un air humble :
— Aurai-je l’honneur d’^etre agr'e'e par vous, madame ?
M me Verdon, bien qu’elle f^ut fort triste `a son ordinaire, se pinca les l`evres pour ne point rire.
— Il ferait une demande en mariage, pensa-t-elle, que ce noble vieillard ne serait pas plus solennel !
Et s’efforcant de se hausser au ton de son interlocuteur, elle r'epondit, esquissant une r'ev'erence :
— Je serais tr`es honor'ee, monsieur le professeur, de vous avoir pour locataire au second 'etage de ma maison, si toutefois mes conditions vous conviennent et si vous n’^etes pas trop difficile !
Pendant ce temps, le professeur avait ramass'e les cailloux, les outils et le linge qui s’'etaient 'echapp'es de son sac ; ayant remis le tout `a l’int'erieur de la besace il r'epliqua d’un ton p'en'etr'e :
— Mes conditions seront les v^otres, madame, et je me d'eclare d’avance satisfait de votre installation, car je la trouverai certainement confortable. J’ai l’habitude, en effet, de passer la moiti'e de mes nuits `a la belle 'etoile et de g^iter dans la montagne `a la mani`ere des bergers ou m^eme des chamois.
— Voulez-vous, proposa M me Verdon, que je vous fasse voir vos futurs appartements ?
D`es lors, M me Verdon guidait son h^ote dans la demeure.
— Voici, lui d'esignait-elle, votre chambre `a coucher. `A c^ot'e se trouve le cabinet de toilette.
Le vieillard ne regardait point l’ameublement, ne tenait point compte de l’odeur de moisi.
Il avait couru droit `a la fen^etre et, apr`es l’avoir ouverte, se penchait par-dessus la balustrade du balcon pour regarder au-dehors.